Motion TIM accords de Paris
Redebeitrag von Naomi Vouillamoz.
Madame la Présidente, chèr·e·s collègues,
Je remercie le conseil municipal pour sa réponse politiquement correcte, qui malheureusement ne me satisfait pas.
La Suisse a ratifié l’accord de Paris et déclaré l’impératif d’atteindre la neutralité carbone en 2050. La ville de Bienne a reconnu l’urgence climatique et s’est dotée d’un plan climat. Mais qu’y a-t-il au-delà des mots ? Rien ou si peu.
Dans cette motion, je demande à la ville de Bienne d’adapter son règlement sur la mobilité individuelle afin de le rendre compatible aux objectifs climatiques. De la même manière qu’un business manager doit se mettre des objectifs réguliers à la hausse, il est demandé à la ville de se mettre des objectifs réguliers à la baisse.
Le transport individuel motorisé constitue environ 25% de nos émissions de gaz à effet de serre et de notre consommation d’énergie, il mérite donc que l’on s’y attarde.
Concernant le CO2 : J’aimerais rappeler à quoi ressemblent les émissions liées aux activités industrielles. Les données sont disponibles sur la page internet du Global Carbon Project. Ce que je vous demanderais de faire, c’est d’imaginer l’atmosphère comme un réservoir qu’on serait entrain de remplir, comme une baignoire.
De 1750-1900 : révolution industrielle on a mis dans l’atmosphère l’équivalent d’un 1 cm sur cette règle de 50 cm. Ensuite, première et deuxième guerre mondiale suivi des 30 glorieuses : en 1972, on est à 11 cm.
1972, c’était il y a 50 ans, l’année à laquelle les nations unies réunissent le premier sommet de la Terre à Copenhague. On pourrait donc dire que 1972, c’est le début des politiques environnementales globales.
Aujourd’hui, fin 2021, on est à 42 cm. Je ne sais pas vous, mais je pense qu’on fait quelque chose de faux. Les 50 cm de cette règle, c’est selon le dernier résumé aux décideurs du GIEC, la quantité de CO2 que l’humanité peut mettre dans l’atmosphère pour un réchauffement planétaire moyen de 1,5°C. Si on ne change rien, on aura passé ce cap avant 2030.
1.5°C d’augmentation moyenne des températures, cela peut sembler peu, mais c’est probablement plus de 8-10°C aux Pôles, c’est certainement aussi plus de 4-6°C dans les Alpes. En tous les cas des changements très importants et des demandes d’adaptations pour les écosystèmes et pour nos sociétés qui seront extrêmement difficiles et coûteuses.
Évidemment, on peut argumenter : les émissions sont des mesures indirectes pour lesquelles on peut déjà discuter de la pertinence. Les 1,5 C représente un modèle ou une simulation et il est clair qu’un modèle comporte toujours des incertitudes qui sont liées aux hypothèses de bases à partir desquelles le modèle est calculé.
Mais j’aimerais maintenant vous demander. Est-ce que vous monteriez dans un avion, pour lequel on annonce une probabilité de crash de 10% ? Seriez-vous prêt.e.s à prendre un vol qui affiche 10% de chance de s’écraser ?
Moi, je ne monte pas. Et c’est bien de cela qu’il s’agit : les probabilités de réalisation des scénarios du GIEC (basés sur les travaux de milliers de scientifiques dans le monde entier) sont largement au-dessus des 10% et on est tout.e.s embarqué.e.s.
Donc sur ce raisonnement, et en me basant sur l’article premier de la constitution Suisse : je cite :
« …conscients des acquis communs et de leur devoir d’assumer leurs responsabilités envers les générations future », honnêtement, je ne comprends pas, comment une personne responsable et éthique pourrait ne pas soutenir la motion présentée ce soir.
J’en ai fini avec le volet climat. J’aimerais maintenant parler d’un aspect qui me parait encore plus crucial, celui du pétrole.
Le siècle dernier a été caractérisé par un accès facile au pétrole qu’on appelle le pétrole conventionnel. Ce qu’il y faut comprendre, c’est que le pétrole du siècle dernier était un pétrole extrêmement rentable. On estime qu’il fallait investir 1 baril en énergie pour en récupérer de 30 à 100. Le pétrole conventionnel a donc ceci d’extraordinaire, c’est qu’il offre à la société une quantité d’énergie énorme, facile d’accès et donc extrêmement rentable pour faire fonctionner son économie.
Maintenant, le pétrole conventionnel est sur le déclin. Il n’y a plus personne parmi les spécialistes de l’énergie qui discute sur ce point. Le maximum a été franchi entre 2006 et 2008 et il est irréversible. Ce qui permet aujourd’hui à la consommation de pétrole de continuer à augmenter, c’est l’entrée sur le marché au début des années 2000 des pétroles dits non conventionnels. C’est les pétroles offshores en mers profondes, ce sont les pétroles de schistes aux Etats Unis, les sables bitumineux du Canada. Et là, le rapport énergétique s’effondre. Pour un baril d’énergie investi dans du pétrole non conventionnel, vous en récupérez entre 2 et 4. Et cet aspect-là, personne ne l’intègre dans les business modèles qui veulent nous vendre la planète en vert.
Autre aspect : les réserves d’énergies fossiles de l’Europe géographique sont insignifiantes : 7% du charbon, 2% du gaz, 0,5% du pétrole. Plus grave : plus de la moitié des pays qui fournissent l’Europe géographique en pétrole sont sur un déclin irréversible de production. Un rapport du Shift Project en France, mandaté par le ministère de la défense et publié cet été, projette une chute de l’approvisionnement en pétrole de l’Europe de 10-20% d’ici 2030. Et ce rapport indique qu’il y a une sérieuse possibilité que la diminution de l’offre arrive avant la mise en place de politiques climatiques sérieuses. Personnellement, je pense qu’il serait sage d’anticiper cela et de mettre de la sobriété dans modes de transports pour s’adapter à cette nouvelle donne et ne pas la subir de plein fouet.
La voiture individuelle, c’était donc un outil financier idéal dans le contexte du siècle dernier, quand il y avait du pétrole rentable à gogo. Construire une voiture, c’est beaucoup de ressources métalliques, c’est donc beaucoup de pétrole puisqu’il n’y a pas d’industrie minière sans pétrole. Faire rouler une voiture, c’est 98% d’énergie consacrée à déplacer le véhicule pour 2% d’énergie consacrée à déplacer les passagers. On peut difficilement faire pire en termes d’efficacité énergétique. On peut difficilement trouver mieux pour écouler une surabondance de pétrole.
Ce qu’il faut donc comprendre ici, c’est qu’il n’est pas souhaitable de substituer l’entier du parc automobile par des véhicules électriques, puisque les véhicules électriques sont jusqu’à 4 fois plus demandeur en ressources métalliques précieuses. Et que pour faire de l’électricité, à l’origine, il y a les énergies fossiles. Les câbles de nos réseaux électriques, le béton de nos centrales, l’acier de nos cuves de réacteurs, le silicium de nos panneaux solaires, les terres rares des génératrices éoliennes n’existent pas sans pétrole, sans gaz et sans charbon. En fait, aucune énergie, pas même le nucléaire n’a un meilleur rendement que le pétrole conventionnel et puisqu’il sur le déclin, il va falloir apprendre à nous mettre au régime.
Donc pour résumer :
Conscience et responsabilité face aux enjeux climatiques : Il n’est ni responsable, ni éthique de continuer à soutenir des politiques en faveur de la mobilité individuelle sans aucune restriction. Il faut des décisions politiques fortes. Cette motion en est une.
Concernant le déclin annoncé du pétrole : cela serait faire preuve d’objectivité et de lucidité que de préparer notre ville au nouveau paradigme auquel ce siècle sera soumis, à savoir une diminution de l’offre du pétrole et donc à une contraction de nos économies. Nous avons la possibilité aujourd’hui de choisir de nous adapter, plutôt que de subir.
Il serait donc temps de chercher à sortir de la civilisation de l’automobile tel que nous la connaissons aujourd’hui. Le système est saturé et plus du tout efficace. Sachant que la plupart des trajets se font pour des courtes distances, il y a un potentiel de développement énorme de la mobilité douce, facile à mettre en place dans les villes ou tout est à proximité.
Puisque le municipal reconnait la pertinence des arguments développés dans la motion, pourquoi vouloir en faire un postulat ?
La motion est l’outil qui permet de changer le cadre légal et c’est bien cela qu’il y a lieu de vouloir faire. Pour ces raisons, je vous serais très reconnaissante, si vous acceptiez, comme la fraction des vert.e.s, de soutenir cette motion et de l’adopter.
Je vous remercie de votre attention.
Références :