Intervention-Rapport d’activités 2020 d’Énergie Service Biel/Bienne
Redebeitrag von Naomi Vouillamoz.
Redebeitrag von Naomi Vouillamoz.
Madame la Présidente, chèr·e·s collègues,
La fraction des vert·e·s a bien pris connaissance du rapport d’activité 2020 d’ESB et tient à remercier le conseil municipal pour sa synthèse.
L’intervention que je donnerai ici cherche plus à ouvrir le débat sur les questions d’énergie.
Je commencerai par des commentaires généraux, pour revenir ensuite à ESB.
J’espère que tout le monde ici s’accorde sur le fait que l’énergie représente un aspect vital dans notre société. L’office fédéral de la protection de la population définit d’ailleurs le blackout électrique comme le plus grand risque encouru par la Suisse. Coupez le courant et c’est l’apocalypse en moins d’une semaine chrono.
Pour évitez ce genre de plaisanterie, la Suisse a une loi sur l’énergie qui vise à garantir les objectifs suivants :
- Sécurité énergétique : il faut assurer un approvisionnement continu et suffisant ;
- Économique : cet approvisionnement doit être à bas prix ;
- Efficacité : on est en 2021, il s’agit d’utiliser la technologie dernier cri qui présente les meilleurs rendements ;
- Promotion des énergies renouvelables : puisque les énergies fossiles sont condamnées à disparaître et de surcroît mauvaises pour le climat ;
- Respect de l’environnement : tout cela doit être fait selon les principes du développent durable.
Dans cette liste d’objectifs qui se trouvent à l’article 1 de la loi sur l’énergie et dont on entend souvent parler, se cache un objectif malaimé qui est celui d’un usage économe de l’énergie. Du fait de la réalité physique du monde qui nous entoure, c’est précisément l’économie d’énergie qui a le plus grand potentiel pour nous permettre d’atteindre les objectifs de réduction de notre consommation d’énergie qui se trouvent à l’article 3 de cette même loi : -43% à l’horizon 2035 par habitant et par an.
Et une chose est très claire : on n’en prend pas le chemin.
Vous me direz : réduire ma consommation ? Mais vous n’y pensez pas. Pourquoi s’astreindre à diminuer notre consommation ?
Pour donner une réponse, laissez-moi faire un détour :
Le siècle dernier a été, entre autres, celui de la ruée sur l’or noir et celui des chocs pétroliers qui s’en sont suivit. Les chocs pétroliers ont été l’expression d’une surabondance d’énergie facile d’accès. De ce fait, la croissance a constitué l’outil idéal pour en sortir, en permettant d’absorber cette surabondance d’énergie par une frénésie économique, jusqu’à la crise suivante. Une énergie abondance et facile d’accès, c’est le moteur de la croissance.
Mais aujourd’hui, la situation a changé. Les spécialistes de l’énergie (je parle ici d’organismes tels que l’agence internationale de l’énergie) s’accordent sur le fait que le pic du pétrole conventionnel, donc facile d’accès est derrière nous. Si nous voulons continuer à notre rythme de croisière, il faut augmenter la part des ressources non conventionnelles, qui elles sont difficiles d’accès. Cela pose le problème de la rentabilité économique. Je vous invite à aller regarder sur YouTube à quoi ressemble par exemple une plateforme offshore. Une montagne d’acier flottante, à partir de laquelle il s’agit de forer sous plus de 2 km d’eau un tube qui peut aller jusqu’à 10 km, pour se retrouver avec un puits incapable de produire convenablement pour plus de 2 mois. Si une personne dans la salle peut m’expliquer comment cela pourrait faire sens économiquement parlant, je suis preneuse. RYSTAD Energy, un centre de recherche indépendant et reconnu le confirme : 75% des sociétés dont le core business se trouve dans les énergies non conventionnelles sont à CAPEX supérieur au Cashflow. Ces sociétés perdent de l’argent.
Donc oui, il y a un bien un impératif d’ordre physique de réduction de notre consommation d’énergie, puisqu’aujourd’hui le mix énergétique suisse (et mondial) est toujours constitué à près de 80% d’énergie fossiles.
Et cela, le règlement de la ville pour ESB l’a bien intégré, puisqu’il stipule clairement à l’article 10, je cite, « elle [ESB] incite sa clientèle à réduire sa consommation énergétique ».
Or, dans la réalité, on nage en plein paradoxe, noyé de messages contradictoires, dignes de schizophrénie.
Sur mandat de l’Office Fédéral de l’Énergie (OFEN), les entreprises suisses d’approvisionnement en énergie, ont la possibilité de se faire distinguer sur les critères d’efficacité énergétique et de la promotion des énergies renouvelables. ESB fait d’ailleurs partie des meilleurs concourants.
Malheureusement, l’OFEN ne distribue nulle distinction encore pour l’entreprise qui vendrait le moins d’énergie à sa clientèle.
L’efficacité énergétique et la promotion des énergies renouvelables sont en fait les critères de la loi faciles à mettre en œuvre, puisque compatible avec la croissance économique.
Gagner en efficacité, on peut le faire en changeant son vieux frigo ou en passant au dernier modèle hybride. Cela revient à consommer de nouveaux produits. C’est bon pour l’économie. Promouvoir les énergies renouvelables, c’est motiver de nouvelles installations, c’est créer de nouveaux emplois. À nouveau, c’est bon pour l’économie.
Mais il serait temps d’observer qu’efficacité énergétique et déploiement des énergies renouvelable tels que pensés aujourd’hui ne nous permettent pas d’atteindre les objectifs de réduction de consommation énergétique.
La raison est simple, les aspects d’énergies grises et de consommation finale sont systématiquement mis de côté. Gagner en efficacité énergétique, c’est mesurer à un endroit précis une diminution de consommation, sans se soucier du fait qu’elle entraîne potentiellement une augmentation ailleurs. Un exemple : on sait aujourd’hui faire des moteurs extrêmement efficaces, on en profite pour faire des véhicules plus puissants et plus gros avec pour résultats, plus d’énergie consommée.
Déployer les énergies renouvelables, c’est jusqu’à preuve du contraire ajouter une ligne de consommation plutôt que de la soustraire.
Je crois qu’il est urgent de faire preuve d’avantage de lucidité et d’objectivité sur les questions énergétiques.
Quand ESB présente sa centrale solaire de la Tissot Arena, elle parle de plus de 8’000 modules solaires installés sur une surface de 16’500 m2, qui produisent environ 2 millions de kWh/a, un grand chiffre, qui correspondent à la consommation en électricité d’environ 500 ménages, c’est honorable.
Présenter de manière lucide et objective, ces mêmes chiffres peuvent être tournés au ridicule. 2 Millions de kWh/a c’est un grand chiffre pour dire 2 GWh/a. 2 GWh/a c’est moins de 1% de notre consommation d’électricité (qui tourne autour des 320 GWh/a). Par ailleurs, les centres commerciaux, tout le monde devrait savoir cela, sont des monstres de consommation énergétiques : climatisation, déperdition de chaleur, éclairage ; la totale. En moyenne, et sans compter la chaîne frigorifique, un centre commercial consommerait environ 550 kWh/m2/a. Pour le coup, les 16’500 m2 de surface commerciale sur laquelle la centrale solaire est construite doivent avoir une consommation annuelle qui s’approche des 9 GWh/a. La production de la centrale solaire installée sur le toit de la Tissot Arena couvre donc au mieux 20% de la consommation électrique de l’édifice.
En quoi de manière objective, cette centrale contribue-t-elle aux objectifs de réduction de notre consommation ?
Je suis convaincue que nous avons tout.es à gagner à parler de ces questions avec plus de transparence. Cela permettrait peut-être à ESB de ne pas avoir à renoncer à la réalisation du réseau thermique Tilleul/Petit Marais en raison de sa non-rentabilité économique. Alors que les réseaux de chaleur à distance présentent précisément le plus fort potentiel d’amélioration de notre système énergétique.
Je terminerai par une citation que j’ai souvent vue sur les réseaux sociaux :
« Il est aujourd’hui plus facile d’imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme ». Le GIEC vient de nous annoncer la fin du monde pour 2030. On en a eu un aperçu cet été entre vagues de chaleurs extrêmes et inondations toutes aussi extrêmes.
Personnellement, je préfèrerais essayer d’imaginer un nouveau modèle économique, capable de gérer les biens communs tels que l’eau, l’alimentation et l’énergie de manière pérenne et durable.
Je vous remercie de votre attention.